3 juin 2015

PORTRAIT – C. Cotineau & F. Aubergier (Temporis Le Mans) : « Nous avons d’abord appris à nous apprécier aux niveaux personnel et professionnel

A 35 ans, après une carrière dans des enseignes de sport et du textile qui leur a permis de se rencontrer professionnellement, Fabrice Aubergier et Charles Cotineau ont complètement changé d’univers pour créer leur entreprise et ouvrir leur agence Temporis au Mans en juin 2011.

Une rencontre à la fois professionnelle et personnelle

Réunis par la passion du sport, Charles Cotineau et Fabrice Aubergier se sont rencontrés professionnellement au sein du même magasin Décathlon. Tous deux vendeurs, ils ont été un temps séparés par leurs aspirations respectives. Charles, qui n’imaginait pas devenir entrepreneur, a poursuivi sa carrière commerciale dans le textile, jusqu’à ouvrir des points de vente pour son enseigne dans d’autres villes de France. Fabrice, créateur dans l’âme depuis ses études, ne voulait pas quitter Le Mans et est resté 11 ans dans un magasin qu’il a intégré au moment de sa création.

« J’ai fait des études dans l’environnement et la biologie, car je rêvais de devenir régisseur dans une réserve naturelle… un métier offrant peu de postes disponibles. Pratiquant la randonnée en montagne et le trekking, j’ai rejoint Décathlon en attendant de pouvoir retrouver la branche pour laquelle j’avais été formé. Le commerce et le relationnel avec le client m’ont plu. Quand mon responsable est parti chez H & M, je l’ai suivi. La grande distribution offre des évolutions à la condition d’accepter une certaine mobilité. J’ai fini par ouvrir deux unités de l’enseigne à Mulhouse et Angers. Lassé de cette itinérance qui m’a mené un peu partout en France, j’ai retrouvé Fabrice dans le magasin où nous nous étions rencontrés, à Ruaudin dans la périphérie sud du Mans. En prenant la responsabilité du rayon montagne », explique Charles Cotineau.

« Si j’ai obtenu un DUT de gestion des entreprises et des administrations, avec une option « création d’entreprise », je n’avais pas, à 21 ans, ni la maturité, ni le tempérament pour lancer ma propre affaire. Mon but était déjà, à terme, de tenir une boutique. J’avais découvert la grande distribution dans le cadre d’un stage. Passionné de sport de raquettes, je me suis fait engager par Décathlon au moment de l’ouverture du magasin de Ruaudin. Ne souhaitant pas quitter ma ville d’origine, j’ai évolué lentement vers des postes  à responsabilité. Je suis notamment devenu responsable formation du magasin, en plus de mon poste de manager. Dans cette enseigne, les ressources humaines jouent un rôle majeur dans la stratégie de développement. Ainsi, l’animation de l’équipe occupe une grande partie du temps d’un manager. Cette expérience m’a incité à poursuivre ma carrière dans les RH…», confirme Fabrice Aubergier.

Un dîner fondateur

Quatre années vont encore s’écouler après les retrouvailles entre Charles Cotineau et Fabrice Aubergier.

« Chaque manager était autonome sur son rayon, au point de gérer, telle une mini-boutique, ses stocks, son compte d’exploitation, ses marges, son chiffre d’affaires… Nous étions à la fois collègues et concurrents au sein du même magasin. Nous avons d’abord appris à nous apprécier aux niveaux personnel et professionnel. Nous voulions rester au Mans, et la grande distribution sait vous faire comprendre qu’elle n’a plus besoin de vous si vous n’êtes pas mobile… Nous avons donc commencé, au cours de nos rares pauses au boulot, à songer à d’autres solutions. Deux choix se présentent alors : changer complètement de métier… ou créer son propre métier. Nous avons choisi la seconde solution, et décider de lancer ensemble notre entreprise. Un soir, lors d’un repas avec nos conjointes, nous avons fait un tour d’horizon du marché sur Internet. La franchise nous a tenté car il existait des expériences de réseaux d’indépendants réussies dans les magasins de sport, comme Sport 2000 et Intersport[1]. Comme aucun des concepts ne nous intéressait dans le panorama de la franchise, on s’est tourné vers ce que l’on savait faire : management, recrutement et formation, que nous aimions pratiquer avec nos équipes. Le secteur du travail temporaire s’est imposé, et les valeurs du réseau Temporis étaient proches de celles que nous vivions chez Décathlon : partage, transparence, ambiance familiale », soulignent Fabrice et Charles.

Décrypter les gestes de son associé

Un pacte d’associés sera scellé avant même le lancement de l’agence.

« Pour s’associer dans l’entrepreneuriat, il faut se connaître mutuellement dans les domaines personnel ET professionnel, et disposer de compétences complémentaires. Notamment durant dix ans, comme c’étaient le cas pour nous. En ayant apprécié sur la durée les forces et les axes de progrès de chacun, on peut ainsi déterminer avec précision les domaines d’intervention de l’un et de l’autre. Si Charles préfère se concentrer sur le commerce et la relation clientèle, ce sont l’organisation et la gestion d’une entreprise qui me correspondent le plus. C’est au cours de la formation, le soir à l’hôtel, que nous nous sommes répartis les tâches liées à notre future agence en les découvrant dans le détail. Par la suite, cela s’est affiné dans la pratique, avec l’évolution du planning et l’ajout de nouvelles charges de travail. Aujourd’hui, en fonction des affinités avec le client, c’est davantage l’un ou l’autre qui prend le relais d’une relation avec une entreprise ou un intérimaire », précise Fabrice Aubergier.

« Plusieurs de nos intérimaires, anciens artisans ou gérants d’entreprise nous ont fait part de leur échec, car ils s’étaient associés avec un copain, qu’ils ne se connaissaient pas dans le monde du travail. Quand on est associé, il faut avoir l’intelligence d’écouter l’autre, quelles que soient les circonstances, afin de trouver une solution. Avec Fabrice, nous n’avons pas besoin de nous parler pour nous comprendre. A travers une attitude ou un comportement, on sait ce que l’autre pense. C’est important de décrypter les gestes de son associé durant une conversation, afin d’éviter qu’une situation ne dégénère. C’est la barrière essentielle à poser entre les mondes professionnel et personnel : on peut tout se dire entre amis, mais il faut toujours éviter d’aller trop loin lorsque l’on est associé », ajoute Charles.

Quatre opérations Temporis Première, pour mieux appréhender le B to B

Dès l’été 2010, Fabrice et Charles avertissent le directeur du magasin de Ruaudin de leur double départ simultané. En s’attachant à former leurs successeurs.

« Avant de prendre cette décision, nous avons d’abord effectué le processus d’intégration dans le réseau Temporis, qui permet vraiment à un candidat à la franchise de se poser les bonnes questions. Cela nous a rassuré de savoir comment Laurence Pottier-Caudron et Pierre Moritel, les fondateurs, choisissent leurs franchisés. Même si un franchisé est un indépendant, il doit déterminer s’il est prêt à travailler avec son franchiseur… et la réciproque est également vraie. Tout au long de ce processus, on a essayé de savoir quelles étaient les contraintes, difficultés ou obstacles pour devenir franchisé. Et notamment, comment nous étions accompagnés au démarrage. La vision éclairée d’un franchisé, Jean-Claude Vaillant à Angers, a été déterminante, car elle n’est pas toujours la même que celle du franchiseur. Jean-Claude a été la bonne rencontre, notre mentor, car il nous a fait découvrir ce que serait notre métier, tant au niveau humain qu’économique », reprend Fabrice Aubergier.

« Comme nous venions du commerce B to C, il a été également fondamental de participer à plusieurs opérations Temporis Première – quatre en tout -, pour mieux appréhender le B to B. Nous avons ainsi mieux intégré que la réussite dans notre future activité se gagnerait sur le terrain, notamment à travers la prospection d’entreprises », souligne Charles Cotineau.

Transition en douceur par rapport à l’expérience Décathlon

L’agence Temporis du Mans ouvre en juin 2011.

« Le financement de notre projet entrepreneurial a été notre principale difficulté. Les refus des banques nous ont fait hésiter à nous lancer dans l’aventure… Il nous a aussi fallu écumer Le Mans, où le droit au bail est très conséquent si l’on désire un bon emplacement. Nous nous sommes installés dans une rue avec une douzaine d’agences du travail temporaire, certes plus chère, mais qui a favorisé notre développement. De plus, il faut savoir jouer le jeu avec l’administration, même si certaines questions paraissent aberrantes ou en décalage avec la réalité. En suivant les road book à la lettre, dans lesquels tout est expliqué de manière précise et chronologique, et avec l’appui de l’équipe du franchiseur, nous avons à peu près réalisé notre ouverture dans les délais voulus, tout en respectant la législation. Nous nous sommes d’ailleurs aperçus que quelques enseignes implantées autour de nous étaient à la limite, voire en dehors, de la loi…», note Fabrice Aubergier.

« Au niveau du mode de fonctionnement de l’entreprise, nous nous sommes sentis dans la continuité, avec une part de management moins importante face à une équipe restreinte.  Même s’il existait une certaine hiérarchie, Décathlon nous avait déjà mis dans le bain de la création d’entreprise à travers l’autonomie donnée par l’enseigne à ses salariés. La capacité de prise de décision était identique, même si les conséquences juridiques et financières étaient toutes autres ! Ce qui influe quelque peu négativement sur notre sommeil…

Bien préparer cette transition nous a permis de réussir dans une zone plutôt occupée par d’importants pourvoyeurs d’intérim, très dépendante des marchés de l’automobile et de l’agroalimentaire, et où la fidélité s’acquiert sur le long terme avec les entrepreneurs locaux. Nous nous sommes notamment appuyés sur notre expérience de la vente, entre écoute et obtention rapide et efficace d’informations. Et un recrutement initial de qualité, avec notre assistante Émilie. Depuis notre lancement, nous cherchons à prendre des décisions réfléchies et évaluées, tout en respectant le concept Temporis. Nous devons figurer dans les 5 meilleures agences du réseau en termes d’audit », remarque Charles Cotineau.

De précieux regards extérieurs à leur activité

Pour s’enrichir professionnellement, Charles et Fabrice ont participé à la vie du réseau à travers les Commissions Dialogue, Travail et Concertation (CDTC), tout comme à des clubs d’entrepreneurs locaux. Ils peuvent aussi compter sur les informations de la structure opérationnelle du franchiseur ainsi que le ressenti et l’expérience de leurs confrères franchisés.

« Pendant deux ans, j’ai intégré la CDTC Innovation, qui porte sur les outils le plus souvent utilisés en agence. Se réunir quatre fois par an, c’est peu mais suffisant pour être constructifs. Les choix des franchisés sont pris en compte, d’autant plus que l’application du concept peut varier selon le type de zone de chalandise. En outre, il existe un véritable esprit réseau, une entraide réelle entre franchisés. Si la structure opérationnelle du franchiseur apporte des réponses très factuelles sur la réglementation, le juridique ou la gestion, c’est tout aussi important de pouvoir s’appuyer sur le ressenti d’un autre chef d’entreprise, ayant été confronté aux mêmes problématiques que vous et souvent plus expérimenté. Depuis octobre dernier, je suis aussi devenu membre du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), dont l’approche de l’entrepreneuriat est axée sur le développement personnel. Ces réunions, deux fois par semaine, me proposent des solutions à des questionnements identifiés et me donnent de la sérénité. Un regard aguerri, extérieur au domaine de la franchise, est utile à toute réflexion. Aujourd’hui, j’apprécie le fait… de profiter des week-ends, ce que je n’ai jamais connu jusqu’à présent. Et je suis fier de notre rôle social. On travaille avec certains intérimaires depuis nos débuts, et décrocher un CDI reste à chaque fois un moment de joie intense », expose Fabrice Aubergier.

« J’ai pour ma part choisi la CDTC Communication, qui a un impact sur mon quotidien. Je suis sensible à cette thématique, qui m’apparaît importante pour développer et faire connaitre notre réseau. Je voulais donc en être acteur ! En local, j’ai rejoint le Lion’s Club, une association de services composés d’indépendants – chefs d’entreprises, professions libérales… -. Il s’agit aussi d’un don de soi en termes de temps pour récolter des fonds ou agir pour des personnes nécessiteuses. Cela permet parallèlement de recevoir les conseils d’anciens acteurs de la vie locale, de bénéficier de leur recul sur le métier d’entrepreneur. Comme j’habite à 500 mètres de l’agence, je ne déconnecte jamais vraiment de mon activité. Mais je peux déjeuner le midi avec ma conjointe, pratiquer la course à pied, m’insérer dans la vie sociale du Mans… A terme, notre objectif reste, comme Jean-Claude Vaillant, de développer des points d’accueil, d’intégrer 8 à 9 salariés et de (déléguer la plupart des tâches pour) devenir des chefs d’entreprise à part entière, avec un rôle d’animation des équipes, le développement de l’activité et faire de la prospective », conclut Charles Cotineau.


[1] Commerce associé

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